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jeudi 19 mai 2011

A l'écoute de l'autre - Dialogues sur les littératures et les langues (1)


Théodore Cazaban et son unique œuvre
 
(Gina Puică en dialogue avec Cristina Pîrvu)

Théodore Cazaban est né le 2 avril 1921 à Fălticeni (Roumanie), et depuis 1947 il vit à Paris. Personnalité éminente de l’exil roumain anti-communiste, il est l’auteur d’un seul roman : Parages, publié chez Gallimard en 1963. Il publia, en outre, de nombreux articles, de même qu’un livre d’entretiens avec Cristian Bădiliţă, et écrivit des pièces de théâtre qui n’ont encore été ni publiées ni jouées. En dehors des entretiens et de la plupart des articles de presse, qui sont rédigés en roumain, le reste de son œuvre – l’essentiel – fut composé en français.
Dans ce dialogue avec Cristina Pîrvu, Gina Puică, qui termine une thèse sur Théodore Cazaban, revient sur le parcours hors norme de cet écrivain tenté par le silence, notamment sous l’angle du bilinguisme et de la double culture.

Cristina Pîrvu : Quel est le mot qui définirait le mieux, selon vous, la création de Théodore Cazaban?
Gina Puică : L’unique ou l’unicité. En deux mots, l’œuvre unique ! Toute la création publiée et véritablement littéraire de Cazaban se concentre en un seul texte, Parages – un jet de lumière dans une existence discrète. Entendons-nous bien : il s’agit d’un texte numériquement unique, mais aussi et surtout qualitativement unique (c’est-à-dire irréductible). Certes, toute œuvre véritable est irréductible, mais dans le cas de Cazaban, cette unicité numérique précisément accentue encore l’unicité intrinsèque. Et ainsi a-t-on affaire à un texte en quelque sorte total. Comment ne pas succomber au charme d’une œuvre qui défie le contemporain à travers sa fragilité même ? Comment ne pas être saisi par le courage de quelqu’un qui se taille, fût-ce de manière obscure, inconsciente, une place aussi démunie au beau milieu d’un temps et d’une époque définitivement gagnés par la productivité ? Je n’oublie pas, chère Cristina Pîrvu, nos discussions – nos gentilles controverses – de Nice autour de cette question du nombre, qui vous gênait. Ce qui me préoccupait de manière insistante vous interpellait, vous. Mais au fond nous étions sur la même longueur d’ondes. L’attention que j’attachais et que j’attache toujours au nombre dans ce cas précis est par la même occasion un refus du nombre, de la quantité, dans la mesure où l’un s’oppose au pluriel, à la comptabilité, au quantitatif…

C.P. : L'écriture du roman Parages et sa publication chez Gallimard ont dû être un moment important dans la vie de Théodore Cazaban. Comment s'y rapporte-t-il ?
G.P. : La rédaction, comme la parution de son unique (vrai) livre ont évidemment constitué pour lui des moments d’une rare force – en ce temps-là, mais aussi par la suite (sur le mode du souvenir, des reconstitutions mentales de son passé). Il l’affirme et confirme simplement et directement, dans son livre d’entretiens avec Cristian Bădiliţă, Captiv în lumea liberă [Captif dans le monde libre] : « J’aime ce livre car il représente pour moi une aventure unique et solitaire » (je traduis). Autrement, un certain détachement de la chose peut être facilement détecté aujourd’hui chez lui, et ce n’est pas étonnant vu le temps écoulé depuis 1963, année de parution de ce livre.

C.P. : Le mot-titre Parages vous paraît représentatif pour la poétique de l'auteur ?
G.P. : C’est un titre d’une simplicité et d’une élégance extrêmes, mais très mystérieux. Il renvoie essentiellement à des paysages mentaux, et à une certaine mobilité du regard intérieur. Le mot revient à plusieurs reprises dans le texte du livre. J’ajouterai, à ces quelques remarques, l’interprétation qu’en donne Pavel Chihaia, un compatriote de Théodore Cazaban, qui se souvient à un moment donné d’une discussion avec l’auteur. Cazaban lui aurait laissé entendre que la dimension roumaine avait été essentielle dans le choix de ce titre qui vaut toute une poétique – poétique que je tâcherai de synthétiser ici. Parages, mot pris de l’espagnol paraje, « lieu de station », finalement assez peu utilisé en français dans son sens premier, désignant, selon Le Petit Robert, « un endroit, espace déterminé de la mer ; étendue de côtes accessible à la navigation » ; « partie de la mer ou d’un fleuve où l’on a recours à l’assistance d’un pilote », désigne donc par extension, une étendue marine plus ou moins difficile d’accès. Or, bien que la Roumanie soit, au fond, un pays si peu marin, Cazaban aurait rattaché ce nom et l’imaginaire qui l’accompagne à la tradition romantique de son pays, celle de Mihai Eminescu, le « poète national » des Roumains, dans l’œuvre duquel la mer est l’un des motifs les plus percutants et dépaysants – « littéraire » par excellence. Ainsi, Cazaban, dans son sillage, aurait-il désigné par parages, selon ce que rapporte P. Chihaia, « une étendue déserte de la mer, aux îlots inconnus », celle évoquée par Eminescu dans la strophe de son poème le plus connu, Luceafărul : « Dar un luceafăr răsărit / Din liniştea uitării / Dă orizont nemărginit /Singurătăţii mării ». Comme simple anecdote, je mentionnerai que Théodore Cazaban, qui s’est essayé à une époque à traduire un choix de poèmes d’Eminescu, a bien traduit un certain nombre de strophes de Luceafărul (Hypérion), mais pas celle-ci, ou, en tout cas, il ne l’a pas publiée… La timidité devant une tâche trop ardue, sans doute… Enfin, pour revenir à la poétique de Cazaban, celui-ci aurait eu l’intention d’évoquer à travers ce titre même sa propre vie et la vie de ceux de sa génération, génération de la guerre, qui est restée dans l’histoire de la littérature et de la culture roumaines, comme étant la « génération perdue », dont les traits les plus caractéristiques restent l’échec, la solitude et l’oubli, préambule à une proximité et à une connaissance approfondie du néant et de la mort. C’est sans doute ainsi que s’explique en partie aussi l’abandon de l’écriture par Cazaban.

C.P. : Quelle serait la traduction la plus "juste" de ce titre en roumain ?
G.P. : De l’avis même de l’auteur, la traduction sinon parfaite, du moins la plus juste en roumain de Parages serait Locuri. C’est le titre qu’avait proposé Irina Mavrodin dans le numéro 19/l996 de la revue România literară, où elle fit publier dans sa traduction quelques pages de Parages. Près de 10 ans plus tard, je me suis à mon tour essayée à cet exercice, dans Atelier de traduction, revue spécialisée dans la théorie et la pratique de la traduction, qui paraît à l’Université de Suceava. J’y ai réservé toujours comme traduction du titre le mot Locuri. Dans sa simplicité, Locuri préserve toutes les virtualités du mot Parages, en instaurant cette forme d’ambiguïté si valorisée par les écritures modernes. Il est vrai que Ţărmuri m’a quelque peu tentée aussi (par l’imaginaire maritime que ce mot soutend), de même que Tărîmuri (un peu moins), alors que le poète et artiste roumain Constantin Severin avait pensé, lui, outre à Locuri, à Cotloane et Fiorduri comme titres roumains possibles. Donc voilà plein de titres à la recherche d’un... livre. Lire la suite
C.P. : Est-ce que la peur de (se) répéter pourrait expliquer le statut d'œuvre unique de ce roman ? Quel est d'ailleurs le rapport de l'auteur au processus de répétition? Répétition-rituel ou répétition-routine? Autre répétition ?
G.P. : Peut-être le mot « peur » est-il excessif, mais Théodore Cazaban a en effet pu manifester en différentes circonstances un certain agacement devant le même qui revenait, et une forme de lassitude devant les gestes routiniers, dénués d’enjeux majeurs. Il me semble que l’abstention créatrice d’après Parages s’inscrit en partie dans cette vision. Mais il faut faire quelques précisions là-dessus. Si l’on regarde les traces visibles de ses projets d’écrivain, on s’aperçoit qu’autour de 1963, année de parution de Parages, il est plutôt dans l’enthousiasme et dans la perspective d’autres livres. Ainsi une dédicace, parmi d’autres, destinée au service de presse marque-t-elle : « A […], cette première tentative littéraire, en attendant d’autres, bien cordialement, Théodore Cazaban ». De même, l’engagement pris auprès de Gallimard de publier chez le même éditeur, outre Parages, ses quatre futurs livres… Rien donc qui laisse deviner alors l’agraphie qui allait succéder à Parages. Mais il n’est pas exclu que, de façon obscure, inconsciente, il en ait su quelque chose. Surtout que le texte même de Parages s’achève sur ces mots, que l’on peut prendre pour une sorte de testament littéraire : « …et alors je comprends que ce discours doit cesser, que tout a été dit, même plus qu’il ne fallait, que désormais, pour longtemps, c’est au silence de s’installer dans cet équilibre terrible de ce qui n’est plus, de ce qui n’est pas encore, de ce qui est ainsi. On rentre. » (p. 247).

C.P. : Y a-t-il une composante "résistance politique" dans ce roman de l'exil roumain de France?
G.P. : La question est immense tant elle a trait à tout ce qui constitue l’existence de Théodore Cazaban depuis 1947. Pour ne pas s’égarer, je tâcherai d’y répondre le plus succinctement possible. Avant de déceler une « résistance politique » dans la matière même de Parages, c’est en-deçà et au-delà qu’il faut la voir – dans le silence et l’agraphie d’abord. En effet, celui qui a fait ses débuts littéraires en Roumanie pendant la Seconde Guerre, une fois lancé dans les combats politiques de l’exil (aux côtés du Parti National Paysan et du Comité National Roumain, en tant que membre de l’Internationale Démocrate-Chrétienne), et ce dès 1948, délaisse la littérature jusqu’en 1960 quand il se met sérieusement à l’ouvrage pour commencer et parachever son unique roman. Ce sont toujours les préoccupations politiques qui expliquent en partie aussi l’abandon de son projet de thèse en esthétique à la Sorbonne qu’il avait pour un temps caressé. Quant à une résistance politique immanente à l’œuvre, la question est plus difficile à saisir car le texte de Parages en est un très sophistiqué, formellement très moderne et ambigu. Mais cette résistance existe bel et bien et elle se manifeste essentiellement sous la forme d’une critique directe mais rapide de la gauche intellectuelle française de l’époque, et d’une critique plus nuancée, plus vaste, et littérairement très travaillée, du contemporain en général : jeunisme excessif, bien-pensance dénuée de contenu. La résistance de Cazaban, comme de tant d’autres intellectuels de l’Europe de l’Est, face aux illusions nourries à l’époque par leurs congénères français est une évidence qui aurait pu constituer, avant qu’il ne soit un peu tard, une grande contribution au débat d’idées en France – mais elle fut trop peu valorisée, quand elle ne fut carrément découragée. Autrement, à travers les formes d’exil que Parages suggère, c’est tout le destin de la Roumanie post-1946 qui se donne à lire…

C.P. : Il y a une espèce de recherche de la vérité dans la démarche artistique de Cazaban. Quelle est, selon vous, l'expression la plus poignante de cette recherche ?
G.P. : Parages en tant qu’écriture originale est moins le résultat de catégories communément admises comme responsables de la viabilité d’une œuvre (talent, minutie au travail, etc.) que de cette recherche de la vérité, remarquée par son éditeur qui fit inscrire sur la quatrième de couverture du livre, entre autres, ceci : « Théodore Cazaban est un artiste obsédé par la vérité ; il ne craint pas de revenir sans cesse sur les contours déjà creusés, de retoucher les lieux, les êtres, les événements, d’en extraire des significations paradoxales, atteignant ainsi à une sorte d’éclatement […] ». Est-ce que cette recherche de la vérité a un caractère poignant ? Sans doute, dans la mesure où c’est une quête inlassable et indéfinie, un chemin sur lequel beaucoup d’obstacles peuvent se dresser. Chez Cazaban, le sujet-narrateur semble par moments s’engluer dans des impasses. D’ailleurs, je verrais dans les différents nœuds de contradictions dans lesquels ce dernier se débat, et dont l’auteur est si solidaire, une autre explication du silence ultérieur de l’écrivain. Or, ces nœuds de contradictions sont, eux, le résultat de la volonté réelle de l’écrivain de se situer dans la vérité la plus nuancée, de ne pas se voir pris dans le schématisme, le cliché, l’unilatéralisme, l’exagération.

C.P. : Y a-t-il eu un projet d'écrire ce roman en roumain, ou bien le français s'est-il imposé comme une évidence ?
G.P. : Tout ce que Cazaban a écrit après s’être établi en France et qui est spécifiquement littéraire a été rédigé en français : outre Parages – le début du second roman resté inachevé, et des pièces de théâtre jamais publiées ni jouées, dont notamment Bramboura. Rappelons aussi ses tentatives de ramener sur le versant français quelques poèmes d’Eminescu. Le roumain, il l’a gardé juste pour ses chroniques radiophoniques (quatre interventions par semaine, pendant de nombreuses années) et dans la presse écrite – et ce du fait qu’il travaillait dans des comités de rédaction roumains de l’exil. Ainsi, en dehors de ses collaborations à la Radio Free Europe et à la Radio Voice of America (1950-1987), il fut entre 1951 et 1970 rédacteur au jounal La Nation roumaine et collaborateur de România (1954-1967), Prodromos, Caietele inorogului, Anotimpuri, Arena. Mais pour revenir à Parages et au français – oui, cette langue s’est imposée chez lui comme une évidence, si bien qu’il m’a souvent avoué avoir du mal à envisager son texte traduit en roumain..., où il pense que celui-ci aurait du mal à passer...

C.P. : Comment a-t-il appris le français ? A quel âge ? D'après quelle méthode ? Dans quel contexte ? L’a-t-il appris "dans les livres" ou "à l'oreille" ?
G.P. : Arrière-petit-fils du premier Cazaban venu de Carcassonne pour s’installer définitivement à Iaşi, dans ce qui n’était pas encore la Roumanie, mais la principauté de Moldavie, et fils d’un Franco-roumain – néanmoins sans beaucoup de contacts en France –, Théodore Cazaban a certainement entendu parler français autour de lui dès son plus jeune âge. Mais il affirme (et nous n’avons aucune raison de ne pas le croire) que le français, c’est à l’école qu’il l’a appris, en tant que langue étrangère. Il allait étudier cette langue pendant presque toute sa scolarité, avant d’en faire sa spécialité lors de ses études supérieures, à côté des lettres roumaines, à l’Université de Bucarest. De son propre aveu, il parlait mal le français à son arrivée à Paris (faut-il le prendre au mot cette fois ?) et avec un fort accent, qu’il a d’ailleurs toujours gardé. Il faut donc croire qu’après un apprentissage plus ou moins achevé du français dans les livres, celui-ci fut enrichi par la suite au contact direct avec la France. L’oralité très marquée de certains passages de Parages est sans doute le résultat de son immersion dans le français parlé, même si Cazaban reste essentiellement un intellectuel puisant ses ressources dans les livres et dont le style reste un style très littéraire.

C.P. : A-t-il fait relire son manuscrit avant la publication? Y a-t-il eu des "corrections" ?
G.P. : Je lui ai directement posé cette question. Et la réponse fut non. Ce n’est qu’après la parution du livre que certains confrères et amis français lui ont gentiment signalé quelques entorses à l’endroit du français standard.

C.P. : S'agit-il d'un livre préparé, pour lequel il aurait pris des notes, etc. ? Conserve-t-il un dossier de la création de Parages ou bien s'agit-il d'une écriture du premier jet?
G.P. : Théodore Cazaban affirme ne pas avoir eu de « dossier préparatoire » pour son livre (comme pouvait en avoir un Zola), ne pas s’être spécialement documenté non plus. Et ce n’est guère étonnant. Parages est une incursion dans l’intériorité du personnage-narrateur, il interroge les pouvoirs de la parole, l’expérience amoureuse, l’expérience spirituelle. Il n’a donc pas ou très peu à voir avec des domaines qui auraient exigé une recherche sur le terrain. Quant à un dossier de création (brouillons, etc.), je dois dire que je n’en sais pas trop. L’écrivain affirme en tout cas n’en avoir rien gardé. Il va même jusqu’à dire qu’il n’a même pas gardé le manuscrit de Parages. Faut-il pour autant le croire ? Ou imaginer, au contraire, toute une malle remplie de manuscrits originaux, versions et autres brouillons jamais dévoilés, comme me le suggérait un ami à Nice ? Enfin, je peux bien croire que Parages a été essentiellement rédigé du premier jet (surtout qu’il l’a commencé dans un café de l’Avenue Mac-Mahon à Paris et qu’il l’a achevé sur une plage normande – loin donc d’un sobre bureau ou d’une bibliothèque). Sauf qu’au moment de sa relecture, avant l’envoi à l’éditeur, il a renoncé (à son grand regret actuel) à une dizaine de pages, dans sa volonté d’alors d’épurer son texte de ce qui était trop ouvertement politique, trop direct et dérangeant – bien que la dimension idéologique y soit restée encore très visible. Il regrette aussi d’y avoir introduit deux à trois pages rédigées bien avant le reste du livre, et qui, pense-t-il, sont dissonantes par rapport à la tonalité de l’ensemble. J’avoue ne rien avoir remarqué dans ce sens, ne pas savoir de quoi il parle exactement.

C.P. : Comment se rapporte-t-il au temps? Quelle expérience du temps se traduit dans l'écriture de Parages ?
G.P. : Lors d’une récente entrevue, il m’a dit que ce qu’il avait poursuivi à travers Parages et qu’il comptait poursuivre avec son second roman abandonné, c’est la recherche du sens qui, a-t-il ajouté, va avec celle du temps. Par une coïncidence que je me plais à croire comme significative de quelque chose, il m’a offert à la fin de notre rendez-vous A la recherche du temps perdu de Proust en Pléiade. Ce choix n’est peut-être pas dénué de sens. Car, en effet, le temps est une catégorie essentielle dans Parages, une sorte de clef de voûte de l’ensemble. Ne se félicitait-il pas dans son livre d’entretiens avec Cristian Bădiliţă qu’à la différence de ses contemporains, « nouveaux romanciers » français, qui avaient remis à la mode le thème du labyrinthe spatial et son illustration par l’écriture, il l’avait fait aussi, mais en y ajoutant – et en la privilégiant – la dimension temporelle de celui-ci !

C.P. : Quel serait le rapport de Cazaban avec la musique? Y a-t-il un lien entre la musique et son travail d'écrivain?
G.P. : A priori il n’y a pas dans son écriture de vrais rapports à la musique. (Je laisse toutefois à d’autres la tâche d’une découverte qui contredise mon avis présent). Ce que j’ai remarqué en revanche c’est son attraction pour les allitérations, pour les sonorités un peu farfelues, originales, pour les mots rares, pour la répétition de certains mots et structures. Pour preuve, trois exemples : d’abord deux, puisés dans Parages, presque au hasard : « car il ne faut que l’immobilité, aussi curieux que cela puisse paraître: il ne faut que l’immobilité pour que le départ soit possible, ou l’arrivée de ce murmure jusqu’à ma section d’or, ce qui n’est plus, ce qui n’est pas encore, ce qui est d’abord comme une coagulation, une chance de la consistance: je parle de la naissance et de l’organisation du récit à partir du murmure, avec des paroles pleines de sens, de bon sens, d’un sens vraiment bon, et des images, des scènes avec, des scènes qui gagnent finalement une netteté de cristal au milieu de ce flou, de ce qui fut flou (fut flou, fut flou, fut flou... ridicule!!!) ... je disais, flûte, voilà que je m’embrouille ! ». Ou encore : « Les grands mots ! les gros ! Graves, gras et gros comme des maréchaux ! (p. 228) » Et puis, un troisième, puisé en dehors de l’œuvre : il s’agit d’une liste de mots roumains qu’il venait de dresser pour lui-même au moment où je suis allé le voir en 2010, dont l’aire sémantique est celle du « fou » - liste rédigée de façon purement gratuite, si ce n’est pour le plaisir de l’oreille  : « nebun, dement, sărit, zurliu, zevzec, zănatec, şui »…

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