Vassilis Alexakis (1943-)
« J'ai passé ma vie comme cela, les mots ont toujours été au centre de ma vie sous toutes les formes: des mots étrangers, des mots connus, des mots inventés, des mots détournés.(...)
Oui, déjà des auteurs bilingues, il n'y en a pas beaucoup. Encore moins qui se traduisent eux-mêmes ; le seul qui faisait cela à ma connaissance, c'était Beckett. Il y en a d'autres qui sont passés au français mais qui ont renoncé à leur langue maternelle. Il y a des cas et ce sont les plus fréquents, de gens qui renoncent à leur langue maternelle, pour des raisons politiques, historiques ou autres, pour changer définitivement, comme Nabokov, Conrad. La difficulté, c'est de pouvoir garder les deux langues. Ca, je trouve que c'est une richesse extraordinaire. (...)
Je ne me sens pas comme un émigré, puisque je fais le voyage plusieurs fois par an vers la Grèce. Pendant mes premières années en France, pendant l'époque de la junte militaire en Grèce, oui, j'ai souffert de cet éloignement. Ce sentiment était très fort, ensuite il s'est atténué. Et il a disparu. Je reste grec malgré tout : je n'ai pas la double nationalité: je me sens grec malgré l'absence, plus grec que français. Mais j'ai eu le temps de banaliser un peu la Grèce. C'est à dire de ne pas me faire des illusions, de ne pas avoir justement ce regard d'immigré qui rentre en Grèce. Je connais les problèmes, je les subis comme les autres. C'est un regard plus objectif, donc moins romanesque. C'est vrai aussi que le français a occupé plus de la moitié de ma vie. Il y a des traces innombrables de cette présence, des thèmes qui reviennent ; bref cette langue m'a permis de faire des livres. Mais je me reconnais plus proche de la langue que du pays. La langue m'a permis en quelque sorte, de me réconcilier avec le pays. »
Je ne me sens pas comme un émigré, puisque je fais le voyage plusieurs fois par an vers la Grèce. Pendant mes premières années en France, pendant l'époque de la junte militaire en Grèce, oui, j'ai souffert de cet éloignement. Ce sentiment était très fort, ensuite il s'est atténué. Et il a disparu. Je reste grec malgré tout : je n'ai pas la double nationalité: je me sens grec malgré l'absence, plus grec que français. Mais j'ai eu le temps de banaliser un peu la Grèce. C'est à dire de ne pas me faire des illusions, de ne pas avoir justement ce regard d'immigré qui rentre en Grèce. Je connais les problèmes, je les subis comme les autres. C'est un regard plus objectif, donc moins romanesque. C'est vrai aussi que le français a occupé plus de la moitié de ma vie. Il y a des traces innombrables de cette présence, des thèmes qui reviennent ; bref cette langue m'a permis de faire des livres. Mais je me reconnais plus proche de la langue que du pays. La langue m'a permis en quelque sorte, de me réconcilier avec le pays. »
(Extraits de l'entretien avec Vassilis Alexakis, "Des mots, pour héros", propos recueillis par Nathalie Marchand, Paris, © iNFO-GRECE, novembre 2002, disponible à l'adresse: http://www.info-grece.com/magazine/arts-et-lettres/vassilis-alexakis-des-mots-pour-heros,88O21.html)
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