« Il y a une expression très jolie en français pour dire qu’on essaie de se rappeler quelque chose.
Fouiller dans les souvenirs ?
Perdu
Se rafraîchir la mémoire ?
Gagné. Dans votre langue, la mémoire est au mieux un objet qu’on manipule avec certaines précautions...
Et au pire ?
Une cave. Une cave glacée où on descend à contre-cœur et qu’on fouille par nécessité, des fois qu’on y retrouverait la chose perdue. En espagnol...
En espagnol 'on fait de la mémoire' ?
Affirmatif. Se hace memoria.
[...]
En Espagne, on n’a pas l’habitude de fouiller dans ses souvenirs, il ne viendrait à l’idée de personne de mettre son passé au frais.
Oh, ça va, il y a des exceptions partout, si on tombe dans les généralités...
Oui, mais en Espagne tout individu est une exception.
Eh, doucement ! C’est tout de même bien un gars de chez nous qui l’a retrouvé, le passé perdu, ce n’est pas un de chez vous ni d’ailleurs, non, mais quoi !
Oui seulement en Espagne le passé ne se retrouve pas. Le passé, la vérité, ça ne se retrouve pas, ça s’invente. On s’en tape ou on ne s’en tape pas. Et si on ne s’en tape pas, on s’amuse avec, on fait œuvre avec.
Si tu n’es pas contente chez nous, t’as qu’à retourner d’où tu viens !
[...]
Chez vous, on dit 'tuer le temps'. Chez nous, on dit 'faire du temps'. Chez vous les temps vides sont les ennemis à abattre, on les transforme en temps morts et la question est réglée. Vous autres Français, vous usez sans compter des auxiliaires indirects. Les Espagnols sont très précautionneux avec les verbes. Quand ils disent 'tenir', 'prendre', 'faire', 'avoir', 'être', ils savent à quoi s’engagent.
Mais retournes-y donc, on ne te retient pas, retournes-y donc aux pays des grands airs, on verra si tu trouveras encore moyen de romances et enjoliver !
En Espagne, comprends-tu, l’ennemi à abattre c’est ce que vous tenez pour réel, ce sont les limites que vous supposez d’avance et que vous voudriez bien imposer au reste du monde... »
Fouiller dans les souvenirs ?
Perdu
Se rafraîchir la mémoire ?
Gagné. Dans votre langue, la mémoire est au mieux un objet qu’on manipule avec certaines précautions...
Et au pire ?
Une cave. Une cave glacée où on descend à contre-cœur et qu’on fouille par nécessité, des fois qu’on y retrouverait la chose perdue. En espagnol...
En espagnol 'on fait de la mémoire' ?
Affirmatif. Se hace memoria.
[...]
En Espagne, on n’a pas l’habitude de fouiller dans ses souvenirs, il ne viendrait à l’idée de personne de mettre son passé au frais.
Oh, ça va, il y a des exceptions partout, si on tombe dans les généralités...
Oui, mais en Espagne tout individu est une exception.
Eh, doucement ! C’est tout de même bien un gars de chez nous qui l’a retrouvé, le passé perdu, ce n’est pas un de chez vous ni d’ailleurs, non, mais quoi !
Oui seulement en Espagne le passé ne se retrouve pas. Le passé, la vérité, ça ne se retrouve pas, ça s’invente. On s’en tape ou on ne s’en tape pas. Et si on ne s’en tape pas, on s’amuse avec, on fait œuvre avec.
Si tu n’es pas contente chez nous, t’as qu’à retourner d’où tu viens !
[...]
Chez vous, on dit 'tuer le temps'. Chez nous, on dit 'faire du temps'. Chez vous les temps vides sont les ennemis à abattre, on les transforme en temps morts et la question est réglée. Vous autres Français, vous usez sans compter des auxiliaires indirects. Les Espagnols sont très précautionneux avec les verbes. Quand ils disent 'tenir', 'prendre', 'faire', 'avoir', 'être', ils savent à quoi s’engagent.
Mais retournes-y donc, on ne te retient pas, retournes-y donc aux pays des grands airs, on verra si tu trouveras encore moyen de romances et enjoliver !
En Espagne, comprends-tu, l’ennemi à abattre c’est ce que vous tenez pour réel, ce sont les limites que vous supposez d’avance et que vous voudriez bien imposer au reste du monde... »
(Adélaïde Blasquez, Le Bel exil, Paris, Grasset et Fasquelle, 1999, p. 317-319)
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