« Je suis pour l’explosion des langues.» - Kossi Efoui (2010)
« Ma langue maternelle, c’est l’éwé. Et puis je parle l’anglais de voyage comme tout le monde. Pour moi, le français est la langue du livre. Remarquez, l’éwé l’a aussi été, parce que la Bible a été traduite en éwé, et nous avions la Bible à la maison. J’ai donc aussi été très vite placé dans un rapport de traduction: cela m’intriguait de voir si la Bible en français et la Bible en éwé correspondaient! A ce propos, quand je rentrais de l’école et que, comme toutes les mères du monde, la mienne me demandait ce que j’avais appris, j’étais aussi en situation de traduction, puisque ma mère ne parlait pas français.(...)
La 'patrie', cela me semble un peu rêche. Cioran aurait cent ans aujourd’hui: la 'langue comme patrie', cela véhicule quelque chose du romantisme du 19ème siècle, une sorte d’adoration, comme en Allemagne, ou comme Senghor, le 'français langue de l’humanisme'…
Je pense qu’on sort un peu de ça. Qu’il faut plutôt s’attacher à ce geste d’amoureux, celui de l’appropriation de la langue. D’ailleurs on ne complimente jamais quelqu’un qui maîtrise la langue de sa mère, mais toujours un étranger. C’est à lui qu’on dira 'bravo, qu’est-ce que vous maîtrisez la langue de ma mère!'. Il y a là comme un interdit d’inceste! (Rires) Bref… Il s’agit d’habiter des univers plutôt que la patrie! (...)
Il y a un appauvrissement du langage que je ne relie pas au métissage. Je suis pour l’explosion des langues. Quand je parlais d’univers multiples, c’est à l’intérieur même d’une langue, aussi. C’est d’ailleurs ce qui permet de critiquer l’idée que le français est la langue de la colonisation, par exemple: aucune langue n’est dépositaire de la violence.
L’appauvrissement est plutôt dû à l’action de médias de masse comme la télévision. A la télévision, il n’y a pas de désir d’élargir le champ lexical du téléspectateur. Quand j’étais enfant et que je piquais le Reader’s Digest de mon oncle, il y avait la rubrique 'Enrichissez votre vocabulaire', une rubrique qui n’existe plus nulle part aujourd’hui. J’y ai appris des mots que je n’ai peut-être jamais utilisés, mais ce n’est pas grave.
Dans l’atelier de mon père, qui réparait des montres, des radios, toutes sortes de choses, il y avait une caisse dans laquelle il jetait de temps en temps un bout de ferraille. Un jour, je lui ai demandé à quoi allait lui servir le bout de ferraille qu’il venait d’y jeter, s’il le savait lui-même. Il m’a répondu: 'Non. Je sais que quand le temps de l’usage viendra, je m’en souviendrai'. Moi, j’apprenais les mots avec cette idée en tête. »
La 'patrie', cela me semble un peu rêche. Cioran aurait cent ans aujourd’hui: la 'langue comme patrie', cela véhicule quelque chose du romantisme du 19ème siècle, une sorte d’adoration, comme en Allemagne, ou comme Senghor, le 'français langue de l’humanisme'…
Je pense qu’on sort un peu de ça. Qu’il faut plutôt s’attacher à ce geste d’amoureux, celui de l’appropriation de la langue. D’ailleurs on ne complimente jamais quelqu’un qui maîtrise la langue de sa mère, mais toujours un étranger. C’est à lui qu’on dira 'bravo, qu’est-ce que vous maîtrisez la langue de ma mère!'. Il y a là comme un interdit d’inceste! (Rires) Bref… Il s’agit d’habiter des univers plutôt que la patrie! (...)
Il y a un appauvrissement du langage que je ne relie pas au métissage. Je suis pour l’explosion des langues. Quand je parlais d’univers multiples, c’est à l’intérieur même d’une langue, aussi. C’est d’ailleurs ce qui permet de critiquer l’idée que le français est la langue de la colonisation, par exemple: aucune langue n’est dépositaire de la violence.
L’appauvrissement est plutôt dû à l’action de médias de masse comme la télévision. A la télévision, il n’y a pas de désir d’élargir le champ lexical du téléspectateur. Quand j’étais enfant et que je piquais le Reader’s Digest de mon oncle, il y avait la rubrique 'Enrichissez votre vocabulaire', une rubrique qui n’existe plus nulle part aujourd’hui. J’y ai appris des mots que je n’ai peut-être jamais utilisés, mais ce n’est pas grave.
Dans l’atelier de mon père, qui réparait des montres, des radios, toutes sortes de choses, il y avait une caisse dans laquelle il jetait de temps en temps un bout de ferraille. Un jour, je lui ai demandé à quoi allait lui servir le bout de ferraille qu’il venait d’y jeter, s’il le savait lui-même. Il m’a répondu: 'Non. Je sais que quand le temps de l’usage viendra, je m’en souviendrai'. Moi, j’apprenais les mots avec cette idée en tête. »
(Extraits de l'Entretien avec Kossi Efoui, propos recueillis par Bernard Léchot, 15 mai 2010. Source: swissinfo.ch )
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